Open data et transparence : retour sur l’abstention électorale

SPALLIAN
6 min readFeb 21, 2022

A l’occasion de la campagne électorale pour les élections présidentielles de 2022, l’open data pourrait prendre une large place dans le débat, tant pour les candidats … que pour les citoyens !

Cet article vous introduira aux richesses dont regorge l’open data pour améliorer votre connaissance d’un territoire. Année électorale oblige, prenons comme matière un phénomène en augmentation, l’abstention.

La part du numérique grandissant dans l’administration française, c’est autant de données qui sont collectées. Une fois expurgées de leur caractère personnel, par anonymisation et par agrégation statistique, ces données alimentent la croissance de l’open data. Son ouverture et son développement en France, pays d’ailleurs parmi les plus avancés sur ce sujet, peut notamment être une réponse à la question de la transparence de la vie politique. En ce sens, les différents ministères ont mis à disposition des jeux de données notamment via la plateforme data.gouv.fr. Ces données sont présentées sous différentes échelles, nationales ou territoriales, permettant des études à tous les niveaux du pays.

Le rôle de nos territoires de proximité

En ce début d’année 2022, l’heure est au bilan du dernier quinquennat et la projection vers le prochain mais surtout à l’observation des territoires afin de mieux les comprendre ; et en ce sens, répondre à leurs attentes.

Depuis 2019, le rôle des élus territoriaux a été mis en lumière par l’organisation du Grand Débat National lors du mouvement des Gilets Jaunes. Les maires ont alors été en première ligne pour récolter les doléances des citoyens. En 2020, la crise sanitaire a aussi démontré toute l’importance des maires, et des élus territoriaux, au travers de l’organisation de l’application des mesures prises : gestion des mesures dans les écoles, gestion des centres de vaccinations, entre autres.

Les Français en ont pleinement conscience à la vue de la participation aux élections municipales, scrutin au plus proche des citoyens. En effet, on observe sur le graphique ci-dessous que le scrutin municipal est le second, après celui des présidentielles, pour lequel la participation est la plus forte. Elle est stable, exception faite pour les élections 2020, fortement perturbée par la situation sanitaire.

En outre, on ne peut pas passer à côté, en regardant ce même graphique, du haut niveau et de la tendance constante de l’abstention.

L’abstention à l’étude

Ce phénomène, scrutin après scrutin, s’inscrit comme l’un des principaux enjeux pour les échéances électorales à venir. Les raisons de ce phénomène sont a priori nombreuses. Désintérêt des Français pour les élections, lassitude, cultures territoriales, nouvelles formes d’engagement, etc. Autant d’hypothèses qu’il est très difficile de mesurer et de quantifier. Certains éléments, mesurables au travers de l’open data notamment, offrent des bribes d’explication de cette évolution. Revenu médian, taux de chômage, âge de la population, offre en transports, catégories sociaux-professionnelles de la population, offre en santé peuvent prendre la forme d’indicateurs mesurables et analysables pour participer à comprendre ce phénomène.

Parmi ces nombreux critères, trois ont été sélectionnés pour les comparer au taux d’abstention des communes : le nombre d’habitants de la commune, l’âge de sa population (la tranche des jeunes votants et celle des séniors) ainsi que son taux de chômage.

L’ambition de cette étude est d’analyser les similitudes potentielles entre les schémas territoriaux. Prenons l’exemple des élections municipales de 2020, élection locale marquée par un taux d’abstention élevé.

Que retenir de ces cartes ?

En comparant la carte de l’abstention avec la carte du chômage, nous ne remarquons aucune corrélation. Cependant, quelques zones peuvent nous aiguiller : les deux régions de France où le chômage est le plus fort — l’Est du département du Nord et le département des Bouches-du-Rhône — affichent un taux d’abstention parmi les plus importants de France. D’un autre côté, le centre de le Bretagne, zone parmi les moins abstentionnistes, a un taux de chômage élevé.

Intéressons-nous de plus près à la carte représentant le nombre d’habitants par commune. Il apparaît assez clairement que les communes les plus peuplées (plus de 100 000 habitants) ont un taux d’abstention plus élevé : Paris, Nantes, Bordeaux, Lille, Marseille et Lyon. Le contraire semble aussi s’appliquer au niveau de la diagonale du vide (ligne imaginaire située entre le département de l’Aube et de la Dordogne regroupant les zones les moins peuplées de France) et du centre de la Bretagne (communes de moins de 3 500 habitants). Nous avons voulu vérifier cette observation en regardant la moyenne du taux d’abstention des communes selon leur nombre d’habitants :

  • Communes de plus de 100 000 habitants : 65,03 %
  • Communes entre 100 000 et 10 000 habitants : 60,60 %
  • Communes entre 10 000 et 3 500 habitants : 55,36 %
  • Communes de moins de 3 500 habitants : 39,95 %

Ces chiffres font état d’une corrélation entre la taille des communes et le taux d’abstention. Ce point est d’autant plus vrai ici qu’il s’agit d’une élection locale. Une commune ayant un nombre plus faible d’habitants aura une plus grande proximité avec ses élus et donc un taux d’abstention plus faible. Cette corrélation n’est pas propre qu’aux élections municipales. Elle est aussi vérifiée dans d’autres scrutins comme le montre les cartes ci-dessous.

Pour finir, penchons-nous sur l’âge de la population. Lors des différentes élections, les instituts de sondages évoquent le fait que les jeunes ont tendance à s’abstenir tandis que les plus âgés votent. Vérifions ces déclarations sur la carte de France. Premièrement, les deux cartes montrent une réciprocité : là où habitent une part importante de séniors, la part des jeunes votants est moins élevée et inversement. Deuxièmement, en mettant en parallèle ces cartes avec celle de l’abstention, on ne peut s’empêcher de voir que les hypothèses formulées concernant les instituts de sondage semblent se vérifier. En région Pays de la Loire par exemple, où la part des jeunes votants est élevée et la part des séniors est faible, le taux d’abstention est fort. Il en est de même pour le sud de la région PACA, l’Île de France, le Nord et l’Est frontalier. À l’inverse, le centre de la France, où la population a une part plus importante de séniors, le taux d’abstention y est faible. Cependant, un point d’attention est à retenir. Le taux d’abstention étant inhabituellement élevé pour une élection municipale, il est tout à fait possible que le contexte sanitaire, en mars 2020, ait été un facteur de démobilisation des personnes de 65 ans et plus. Cependant, on note dans le temps, comme le montrent les cartes ci-dessus, que les communes comptant le plus de séniors, sont en général, les moins abstentionnistes.

En conclusion de ces observations cartographiques, on peut affirmer qu’il y a des points communs, entre le taux d’abstention, la taille des villes et l’âge de la population. Il s’agit bien évidemment d’une tendance globale. En effet, en regardant de plus près, commune par commune, on ne pourrait pas affirmer de façon formelle que si une commune a un nombre élevé d’habitant et une population jeune alors son taux d’abstention sera nécessairement fort ! Notons également la dépendance entre certaines variables : une population jeune aura tendance à vivre dans les grandes villes (pour des raisons professionnelles ou de formations notamment), au contraire des personnes âgées.

Les limites de cette réflexion

Un point essentiel est cependant à préciser. Cette analyse permet de faire ressortir des faits mais il ne s’agit pas d’une vérité absolue, on ne peut affirmer que ces indicateurs sont les (seules) causes de l’abstention. Ils font simplement partie intégrante d’une réflexion plus globale. Comme énoncé précédemment, il y a d’autres indicateurs qui pourraient influencer cette étude mais surtout, il existe également des causes non mesurables qui occupent a priori une part non négligeable dans l’explication de l’évolution de l’abstention.

L’abstention reste un sujet complexe et délicat à traiter de manière rationnelle et scientifique et ne peut être traité seulement à partir de chiffres et de statistiques. Le facteur humain est fortement impactant dans cette étude.

En conclusion, l’open data peut servir à expliquer, analyser et surtout, comprendre nos territoires. Il s’agit d’une source de données de plus en plus complète et devient petit à petit un outil majeur dans la gestion des politiques publiques autant pour les citoyens que pour les élus. Mais surtout, l’open data est un moyen de mettre en place une meilleure transparence de la vie publique pour tous.

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SPALLIAN

Editeur de logiciels, data analyste et conseil stratégique, engagé dans l’innovation au service des territoires